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NATURE

Claire Petrignani, Francis Poirier

 

 

 

Nous verrons ensuite comment l'environnement proposé par le quartier Kronsberg répond au besoin de nature présent chez l'Homme et comment ces aménagement accomplissent la médiation entre nature et culture. Est-ce que l'étiquette d'écoquartier est justifiées? Est-ce que les efforts réalisés compensent la consommation d'espaces naturels nécessaire à la construction du projet?

 

L'homme introduit la nature dans sa vie :

 

La nature véhicule d'une forte symbolique positive. Impulsion de vie, elle est la source de nombreuses sensations (inspiration, repos, évasion...) mais aussi un point d'origine, l'impulsion qui donne la vie. Il semble alors légitime que certains individus tendent à s'en approcher et choisissent ainsi le compromis par une vie périurbaine, plus proche de la nature.

 

 

C'est dès le début que le conseil municipal de la ville de Hanovre s'est engagé à travers  l'EXPO 2000, à suivre le slogan de l'exposition universelle: «Humanité- Nature- Technologie.»

 

 

Par cet engagement, le projet d'éco-quartier Kronsberg s'est donc développé dans l'optique d'un mariage entre l'humanité, la nature et la technologie, offrant ainsi le compromis recherché par certains individus choisissant une vie périurbaine.

Que propose le projet Kronsberg pour rapprocher toujours plus ses habitants de la nature sans perdre de vue le confort induit par les nouvelles technologies et les avancées humaines?

Kronsberg sous la neige, 2009

Jardin privatif, Kronsberg, 2011

Ce même réseau de corridors verts ouvre également sur un cheminement amenant  du quartier vers les terres communales situées au sommet de la colline de Kronsberg.

Corridor vert, Kronsberg, 2009

Cheminement vers les terres communales, Kronsberg, 2009

Nous pouvons également constater cette « irrigation verte » par les points d'impacts de verdure offerts au cœur du plan quadrillé de Kronsberg. En effet, place publiques, squares et zones de rencontre sont à l'origine d'une impulsion naturelle au sein du projet.

 

Exemple de jardin public au coeur du développement, 2007

De fait, l'Homme cherche une sorte d’introduction de la nature dans son milieu de vie, comme une injection de verdure pour procurer le bien-être au cœur de ses villes. Et Kronsberg semble remplir son rôle dans cette recherche comme en témoignent ses habitants :

 

 

« Je me trouve dans mon endroit préféré à Kronsberg, où j'aime aller. C'est un terrain de jeux entre Krügerskamp et Weinkampswende, une cour intérieure entre des immeubles collectifs. Un lieu très beau, calme et ensoleillé : mon oasis calme. [...] Le soleil brille beaucoup, je savoure ses chauds rayons [...]. Je suis assise dans l'herbe verte, dans de la terre souple, à côté d'un arbre sur lequel un oiseau chante admirablement bien. »

 

 

Témoignage recueilli dans l'enquête menée par Élise Geisler, architecte DPLG et Théa Manola, architecte DPLG et urbaniste. (Les paysages de Kronsberg à Hanovre : approches sonore et multi sensorielle. 2011)

 

Alors, comme cela a été fait dans le cas de Kronsberg, la nature peut être considérée comme un organisme comparable au cœur humain avec une ou plusieurs sources, des cœurs (que l'on peut envisager comme des biotopes, c'est à dire les champs et forêts) et ses veines (comme les corridors verts) répandant la verdure au sein du projet. L'homme reproduit la métaphore de la vie, il recherche cette magie, cette plénitude.

Une introduction des plaisirs sensoriels contrôlés par l'Homme, au service de l'Homme :

 

L'Homme, en se rapprochant de la nature par des projets tels que celui de Kronsberg cherche à établir un rapport sensoriel avec celle-ci.

 

Nous constaterons que ce pari d'interaction sensitive est une approche très intéressante dans le projet. En effet les infrastructures et aménagements du site semblent satisfaire ce besoin sensoriel.

Des études dirigées vers le rapport entre approche sonore et multi sensorielle ont été menées sur le projet de Kronsberg par Élise Geisler, architecte DPLG et Théa Manola, architecte DPLG et urbaniste. (Les paysages de Kronsberg à Hanovre : approches sonore et multisensorielle. 2011)

 

Les deux architectes ont utilisé trois méthodes d'enquêtes :

  • des entretiens courts permettant d'obtenir des informations clefs sur le projet et sur la qualification et l'appréciation du quartier par les habitants, d'identifier le vocabulaire utilisé par la population autour des notions de paysage, d'ambiance, de bien-être ou de quartier durable, et ainsi de commencer à comprendre les liens tissés entre les populations et le projet réalisé, mais aussi le quartier;

  • des parcours commentés, méthode apportant des informations prises sur le vif, dans l'action et en contexte, tout en faisant, mais dans une moindre mesure, appel à la mémoire sensorielle;

  • le « journal sonore » ou « baluchon multi sensoriel », une assignation d’un carnet dans lequel les habitants inscrivent sur une période assez longue (environ une semaine) toutes leurs sensations au contact de leurs pratiques et de leurs cheminements quotidiens.

 

A travers ces enquêtes, on constate que l'éco-quartier de Kronsberg réveille de nombreuses sensations chez ses habitants qui témoignent:

 

« Aujourd'hui, nous faisons un tour à vélo avec toute la famille autour de Kronsberg. Le souffle du vent en roulant est chaud et son contact est agréable. » (Kronsberg,2011)

 

« On remarque que c'est très venteux, et malgré le soleil, le vent est froid. Mais ici on se vide la tête. En hiver, le petit voulait aller faire de la luge, et au bout d'un certain temps, on en a eu marre. Alors on s'est simplement promené dans la neige et on s'est laissé chahuter par le vent. » (Kronsberg, 2011)

 

Ainsi par des projets périurbains tel que l'éco-quartier de Kronsberg, l'Homme tente avec succès d'établir une relation avec la nature sans pour autant se perdre dans un environnement isolé.

 

 

Kronsberg offre un réseau de verdure qu'il articule autour d'espaces différents les uns des autres par leur conception et par leur accessibilité plus ou moins grande au public. Un réseau de couloirs de verdures, à la fois cheminements piétonniers, créent la connexion entre des jardins semi-naturels, collectifs, privatifs ou encore des cours d'immeubles, accès aux habitations.

L'interaction Homme/Nature : Une troisième nature

 

On observe trois types d'interactions entre l'Homme et la Nature. Les deux premières, celles qui nous sont familières, sont une approche se faisant au niveau de l'activité humaine.

Dans la première, l’homme vie dans la nature où elle lui offre directement ces ressources pour survivre, tandis que dans la deuxième, l’homme contrôle et crée d’une certaine manière la nature où son attachement est devenu indirecte. Nous n’avons qu’à penser aux parcs municipaux qui ferment entre 23h00 et 6h00. Ici la nature subie des contraintes imposées par l'Homme, l'accès à celle-ci est limité, dictée.

 

Quant à la troisième nature son approche s'envisage comme un « rétablissement technologique et culturelle de la nature » (Péna, Péna, 2011). On y recherche une consolidation entre l’homme et la nature, unis pour un environnement urbain et une végétalisation des centres-villes.

L'approche d'une troisième nature, les ambitions de Kronsberg :

 

L'éco-quartier de Kronsberg illustre cette troisième nature. En effet nous pouvons y observer cet équilibre de cohabitation entre l'homme et la nature.

 

En premier lieu, les strates d'activités humaines et d'espaces naturels se superposent au cœur du site, les espaces semi-privés font la jonction avec le publique. On progresse alors dans un milieu qui évolue selon les priorités pour donner autant sa place tantôt à la nature, tantôt aux activités humaines.

 

Mais ce phénomène de fluidité se remarque également à plus grande échelle dans le rapport de liaison qu'établit Kronsberg entre le milieu urbain et la nature. Effectivement, dès ses premières ébauches, il se présente comme un filtre progressif où l'on passe en douceur de la ville à l'éco-quartier puis finalement à la campagne par des ramifications débouchant sur celle-ci. (Voir schéma ci-haut)

 

Alors nous pouvons admettre le concept de Kronsberg comme un point d'atténuation entre ces deux milieux (naturels et crées par l'homme), comme un point d'apaisement d'éventuels conflits. L'éco-quartier propose donc une belle tentative d'approche assimilable à la notion de troisième nature.

Qu'en est-il dans la réalisation finale?:

 

Nous avons donc pu constater qu'à sa genèse, le projet ambitionnait une approche au service d'un équilibre Homme - Nature. Cependant, comme nous allons le voir, dans sa réalisation, l'éco-quartier n'a su répondre à cette ambition que partiellement.

 

En effet, certaines attentes n'ont pas été remplies. On peut par exemple constater des plateformes en béton installées au nord (à l'extrémité de la rue Feldbuschwende) et au sud du projet (à l'extrémité de la rue Weinkampswende) constituant des points « freins » à la fluidité de la transition vers la nature. Ces points bloquent en effet la sensation de continuité vers la campagne  visée dans le projet.

 

Remarquons un autre disfonctionnement dans les désirs d'établir une relation Homme/Nature équilibrée et harmonieuse : la parcelle enclavée entre les rues Sticksfeld, PaulTheileWeg, WasselerStrabe et Ellembuschfeld. Celle-ci s'inscrit dans la trame du projet et pourtant elle demeure inaccessible au public (interdite d'accès par des clôtures) comme une perspective inachevée, en suspend, elle marque une faiblesse dans la mise en relation entre l'Homme et la nature.

 

Cette faiblesse est d'autant plus notoire qu'elle a des répercussions sur l'accès à la colline de Kronsberg, un point attractif puisqu'il est un relief culminant dans un environnement paysager de grandes étendues plates et constitue donc un pôle naturel significatif où se rassembler. Effectivement, la transition du quartier vers la colline est directement exposée à la parcelle inexploitée qui constitue alors une zone « flottante » dans la fluidité du passage.

Lisibilité

 

L'éco-quartier se distingue selon différentes zones plus ou moins difficiles à identifier. Il met alors des dispositifs subtils permettant d'établir une différence entre ces zones, rendant la lisibilité de celui-ci plus aisément compréhensible.

 

Kronsberg fait par exemple appel à nos sens pour faire cette distinction :

 

 

« L'utilisation d'essences différentes par quartier contribue à lui donner une identité propre » (Guide du quartier de Hanovre 2001)

 

 

On établit ici une lisibilité végétale de l'espace, gommant ainsi une éventuelle sensation de rupture abrupte entre les différentes zones du projet.

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